FICHE DE LECTURE

 

Titre: la parole aux n e g r e s s e s

Autrice: Awa Thiam

Ndlr: 10/10 



Titre: la parole aux n e g r e s s e s

Autrice: Awa Thiam

Ndlr: 10/10 


Avez-vous déjà eu peur de lire ou de finir un livre? A cause de sa notoriété, son aura ou tout simplement à cause du mythe qu’il représente? Je suis curieuse de lire vos réponses.

Quant à la mienne, elle est affirmative. Depuis que je vis et nourris mon engagement féministe, mes devancières me parlent d’un livre qu’il est impératif pour toutes féministes africaines d’avoir lu. Ce livre était difficile à trouver de par son ancienneté alors je me suis donnée la mission de l’avoir. Puis , il a été réédité et je l’ai eu. Cependant, il m’a fallu un mois avant d’avoir le courage de le terminer. Je ne sais pas si j’avais peur de ne pas le trouver à la hauteur de sa réputation ou tout simplement peur qu’il représente bien plus que ce qu’on m’en a dit.

Une chose est sûre, je l’ai finis et je peux vous dire que c’est l’un des rares livres qui mérite son mythe. 


Mon premier coup de cœur c’est la démarche de l’autrice. Loin de vouloir redéfinir le féminisme, le présenter ou encore présenter son évolution, l’autrice prends plutôt la décision d’être factuelle et de décrire le quotidien des femmes africaines ainsi que leurs situations. Il n’était pas question pour elle de se lancer  d’entrée de jeu dans une analyse du féminisme en Afrique ni de faire sa propre analyse de la condition de la femme africaine. Elle  a plutôt donné, comme le titre l’indique, “la parole aux negresses”.

Par des interview, des questions qui leur ont permis de partager leurs expériences, les negresses de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest (Mali, Guinée, Côté d’Ivoire etc…) se sont ouvertes et nous ont permis d’avoir cet héritage littéraire incroyable. Honnêtement , c’est une des choses que j’aime beaucoup dans la littérature analytique, le pouvoir et l’opportunité qui est donné au sujet de se raconter lui-même. (Copyright: Bee/MBK)


Mon second coup de cœur c’est bien entendu la profondeur du sujet traité mais aussi son incroyable actualité. “La parole aux negresses” parait en 1977 dans une Afrique de l’Ouest aux lendemains des indépendances, qui a d’ambitieux projets pour pérenniser ces États. 

Cependant, en le lisant, j’ai eu l’impression d’être là, en 2024 tant les mots et les maux des femmes n’ont pas réellement changés. Il est question de femmes qui parlent de leurs vies dans le mariage, de comment elles sont traités par leurs époux, du poids des traditions et de la famille. Saviez-vous que certaines femmes acceptaient la polygamie parce que grâce à elle elles pouvaient souffler un peu tant le poids des tâches quotidiennes pesaient sur elles? Je l’ai appris grâce au récit d’une des femmes interviewé.

 Il est aussi question de mutilations génitales féminines et de comment elles sont pratiquées et perçues par les femmes elles-mêmes. J’ai été interloquée de découvrir une pratique consistant à coudre les grandes lèvres des femmes pour contrôler leurs sexualité (l’infibulation) et cela m’a montré encore une fois à quel point le corps de la femme est politique (dixit M. P OKRI 🤭).

Il est enfin question de féministe , de condition de la femme dans la société et des combats que nous devons mener tous les jours. 

Honnêtement, je m’attendais à lire quelque chose de vraie mais pas quelque chose d’aussi actuel. 

Le passage qui m’a le plus marqué c’est certainement celui de l’interview collectif réalisé en Guinée avec 6 femmes et 7 hommes. C’était assez criard de lire que pour des questions concernants les femmes, seules 2 d’entres elles ont pris la parole laissant ainsi une fois de plus les hommes parler pour elles. Je me suis rendue compte de comment cela perdure aujourd’hui, de comment bien des fois nous les laissons parler et décider pour nous …


Au demeurant, je peux vous dire que ce livre n’a, selon moi, même pas le quart de la notoriété qu’il mérite tant il est cruellement juste dans ce qu’il décrit et décrie. L’autrice est d’ailleurs bien en avance sur certains thèmes comme celui de l’intersectionnalité qu’elle définit sans forcément le nommer ainsi en nous parlant de la double oppression que nous subissons en tant que femme et noire.

Elle traite de sujets qui aujourd’hui constituent le fer de lance de biens de nos combats en tant que féministes. Dans la même veine, elle nous parle de sororité, de comment nous devons nous sentir solidaires de toutes les femmes du monde parce que bien que l’espace géographique ou la couleur de peau nous séparent, il y’a des luttes et des combats qui sont communs à nous toutes. (Copyright: Bee/MBK).

Et , finalement, elle nous permet d’avoir notre texte “fondateur” à nous , démontrant que le féministe n’est pas si importé que ça, que les luttes pour les droits des femmes n’ont rien d’une lubie que nous avons pour emmerder le monde et que ces problèmes sont bien réels. 


Honnêtement , je ressors grandie et heureuse de cette lecture. Non pas parce que le contenue est joyeux mais juste parce qu’il y’a ce genre d’études et de textes datant de la fameuse époque de “nos mamans d’avant” qu’on présente comme soumises et parfaitement heureuses de leurs conditions alors qu’il n’en était factuellement  rien. 

Je vous invites en tout cas à lire ce fabuleux livre qui n’est même pas long ( à peine 200 pages) et qui mérite d’être connu de toutes et de tous. 


J’espère dans tous les cas que vous prendrez du plaisir à me lire et à le lire, et nous nous disons à bientôt pour de nouvelles aventures.


Bien à vous , Bee…

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